- RUE PIÉTONNE
- RUE PIÉTONNERUE PIÉTONNES’il existe des exemples historiques de voies à l’usage exclusif des piétons (les passages couverts nés à Paris à la fin du XVIIIe s. ou les ramblas de Barcelone), le terme «rue piétonne» désigne un phénomène propre au XXe siècle dans les processus de planification et d’aménagement des villes. La conception et l’emplacement d’espaces réservés aux piétons dérivent des méthodes de gestion du trafic urbain, dès l’entrée en conflit du piéton avec l’automobile. Ce phénomène survient aux États-Unis en 1930, au moment où le dépérissement des centres-villes se fait au profit des zones périphériques de libre circulation: les premières mesures de réglementation vont donc résulter de la priorité accordée à l’automobile dans la cité moderne, selon le principe de différenciation des voies de circulation, avec prise en charge du libre accès des piétons aux centres commerciaux (Detroit). Parallèlement se dessine une tendance contraire, visant à conserver la complexité de la ville traditionnelle (reconversion d’une rue principale en mail piéton à Minneapolis). Ce phénomène se généralise dans les années 1960 et s’étend à l’Europe, avec l’établissement d’une politique de protection et de réhabilitation des sites et monuments historiques (chartes d’Athènes et de Venise, de 1933 à 1964) et sous la pression des mouvements intéressés à la sécurité des piétons. L’institution de rues piétonnes a été le fait de décisions isolées de la part des municipalités, qui mirent en œuvre, sur le terrain, des plans de sauvetage des centres-villes; elle est toujours précédée de mesures de dissuasion (interdiction de stationner, sens uniques, fermeture à la circulation à heures fixes). Dès 1939, des villes de la Ruhr expérimentent ces rues réservées aux piétons dans le centre, le quartier commercial ou administratif. Dans les villes nordiques, en Suède et au Danemark surtout, depuis le début des années 1960, d’anciens tronçons étroits reliant la zone de trafic à la zone des activités sont peu à peu rendus aux piétons et rénovés (chaussée ramenée au niveau du trottoir, protégée des intempéries, chauffée, pourvue de tapis roulants): Stroget à Copenhague, Göteborg, La Haye, place du Dam à Amsterdam, Lijbaan à Rotterdam. Les pays germaniques détiennent le leadership avec de nombreuses villes, en particulier Düsseldorf (1957), Vienne (l’enceinte médiévale, 1971), Munich (ensemble du quartier commercial et des spectacles, 1972). Ces rues, où s’engagent volontiers les visiteurs, sont un élément valorisant pour l’image touristique et commerciale d’une ville. L’Europe est gagnée: places Navona, Santa Maria al Trastevere, Trevi à Rome (1970), Carnaby Street à Londres (1972). En France, l’idée de la rue piétonne s’était imposée à Metz dès 1941 où elle se matérialisa en 1971. En 1970, Rouen fut la première ville de France à se doter d’une rue piétonne, dans le centre historique du Gros Horloge, suivie par Grenoble et immédiatement imitée par d’autres villes. En 1979, 101 villes françaises étaient équipées d’un secteur piétonnier; en 1980, 200 villes, et le processus n’a cessé de se développer. L’aménagement du quartier Montorgueil à Paris (1992-1995) est à l’échelle européenne l’une des plus vastes et des plus luxueuses réalisations en ce domaine. De même Strasbourg a largement développé en 1992 (32 000 m2) sa première zone piétonne (62 000 m2) qui datait de 1973. Seul élément à l’échelle humaine dans les villes nouvelles, les voies piétonnes y occupent pour cette raison une position privilégiée (les grands ensembles de la région parisienne, à la Défense un projet de zone piétonne sur dalle a été adopté en 1956, le Mirail à Toulouse, Échirolles à Grenoble). Si la totale ségrégation piéton-automobile n’est pas systématiquement recherchée, les espaces améliorés pour piétons se généralisent, avec l’installation de barrières spéciales (sur les cheminements d’écoliers, par exemple) et d’un mobilier urbain (sièges, cabines téléphoniques, fontaines, plates-bandes, lampadaires, panneaux de signalisation). Malheureusement, la conception et le traitement de certaines de ces voies sont souvent médiocres, en particulier parce qu’elles sont encombrées d’un mobilier urbain souvent inutile.
Encyclopédie Universelle. 2012.